Substitution d’une énergie fossile

La substitution totale ou partielle d’une énergie fossile est très souvent une opportunité pour réduire les émissions de GES tout en améliorant l’efficacité énergétique globale. Cette substitution peut se faire en valorisant des matières résiduelles, en récupérant l’énergie provenant de procédés ou bâtiments, ou en ayant recours à une énergie renouvelable. Dans un parc éco-industriel, ces options peuvent être appliquées à l’échelle de l’entreprise ou être développées en réseau entre les diverses entreprises du parc (ou même en se connectant à la municipalité).

Un exemple où les réseaux de chaleur sont jumelés à la substitution d’énergie fossile est celui de la ville de Troyes, en France, qui a lancé un projet d’agrandissement de son réseau de chaleur. Cette ville du sud-est de Paris (61 500 habitants) a choisi de substituer l’énergie fossile en misant sur de l’énergie produite à partir de biomasse et de biométhanisation. Il s’agit d’un autre exemple où sont alliées les préoccupations environnementales et économiques. La centrale à la biomasse sera semblable à celle de Saint-Félicien. L’autre centrale, celle de biométhanisation, permettra de produire du biogaz à partir des résidus agricoles (fumiers, lisiers, résidus céréaliers), des résidus de l’industrie agroalimentaire (lactosérum et autres sous-produits, résidus de légumes, résidus d’abattoirs) et des résidus des collectivités locales (déchets verts, restes alimentaires). Le biogaz pourra ensuite être valorisé comme combustible afin de produire de l’énergie thermique ou électrique (centrale de cogénération). Le digestat, c’est-à-dire la fraction non gazeuse issue de la méthanisation, peut ensuite être épandu dans les champs comme engrais organique. Ce projet devrait entraîner une baisse des coûts pour les usagers, une réduction des émissions de GES, la gestion maîtrisée des déchets de l’industrie agroalimentaire, la création d’engrais organique pour le monde agricole et le maintien d’emplois en milieu rural (tableau 2).

Tableau 2 : Potentiel de réduction de la consommation énergétique et réduction des GES de la centrale à la biomasse de la ville de Troyes (France)

Économies annuelles prévues sur la consommation énergétique Réduction des GES prévus
À déterminer

11 300 t/Eq CO2

Figure 5 : Interfaces d’une installation de méthanisation (Source : LEDJO Energie, 2011)

Pour en arriver à une substitution de l’énergie fossile, il importe de passer par certaines étapes afin de faire les choix appropriés. La démarche suivante se veut un guide ou une méthode permettant de valider la faisabilité et sommairement la rentabilité d’une telle substitution dans un parc éco-industriel.

Identification des sources d’énergie

Il existe essentiellement trois façons de substituer une énergie fossile :

  • Valoriser l’énergie des matières résiduelles non recyclables : par exemple, des rejets de type solide ou liquide à forte teneur en matière organique, tels que du lactosérum issu de l’industrie agroalimentaire, peuvent être valorisés par l’intermédiaire d’un méthaniseur, entre autres, qui permet de produire du méthane (constituant principal du gaz naturel). Dans ce cas, une énergie fossile est substituée grâce à la valorisation de rejets.
  • Récupérer l’énergie provenant des bâtiments environnants : par exemple, l’air chaud évacué par une industrie (par ses évacuateurs de bâtiments, la cheminée de son procédé de combustion, etc.) peut être réutilisé pour des besoins de chauffage dans les bâtiments de la municipalité.
  • Recourir à une énergie renouvelable : il est aussi possible de penser à substituer directement à un combustible fossile en exploitant les ressources avoisinantes telles la biomasse pour des régions forestières ou agricoles.  Pour en savoir plus, consultez la section « énergies renouvelables » des chapitres « La maîtrise de l’énergie » et « Bâtiments municipaux ».

Pour chacune de ces façons, il faut, dans un premier temps, faire une étude technique pour inventorier et caractériser les sources disponibles à proximité du parc éco-industriel. Ce genre d’étude peut indiquer, entre autres, si les ressources peuvent être utilisées comme telles ou si elles doivent être traitées avant d’être utilisées. En général, on pourrait retrouver des ressources telles que :

  • Pour la valorisation de matières résiduelles
    • Déchets animaux (fermes)
    • Déchets industriels
    • Déchets domestiques (sites d’enfouissement)
    • Déchets végétaux (forêts, sites d’enfouissement)
  • Pour la récupération d’énergie :
    • Rejets avec un important potentiel calorifique (ex.: eau chaude) provenant d’un procédé ou bâtiment

L’identification des sources d’énergie potentielles devra être faite dans un rayon géographique satisfaisant, respectant certaines contraintes. Par exemple, 160 km pour la rentabilité d’un transport de biomasse forestière ou quelques centaines de mètres pour des réseaux de chaleur afin de minimiser les pertes thermiques dans le réseau et donc rentabiliser au mieux l’exploitation de la ressource. En effet, il faut à la fois considérer les coûts de transport de la biomasse, mais aussi la conception, le développement et les pertes calorifiques qu’un réseau de chaleur peut présenter dans des conditions hivernales.

Caractérisation des sources d’énergie

Dans un deuxième temps, il faut caractériser les sources d’énergie éventuelles, soit valider leur potentiel à fournir de l’énergie en quantité et en qualité suffisantes.

Cette caractérisation doit contenir les éléments suivants (liste non exhaustive) :

  • Type de rejet disponible (solide, liquide, gazeux)
  • Débit ou quantité disponible (nominal, maximal, minimal)
  • Température (nominale, maximale, minimale)
  • Capacité calorifique des rejets (nominale, maximale, minimale)
  • Disponibilité pendant l’année
  • Particules (analyse granulométrique) : une analyse granulométrique devient un indicateur du défi technologique (corrosion, filtration préalable, traitement environnemental subséquent) que peut représenter leur exploitation.
  • Différencier les particules organiques des autres : ceci est un indicateur permettant, par exemple, de valider le potentiel de méthanisation des rejets identifiés.
  • Composés corrosifs (HCl, SO2) : la présence de composés corrosifs devient un indicateur du défi technologique (corrosion, filtration préalable, traitement environnemental subséquent) que peut représenter leur exploitation.

Cette caractérisation permet de séparer les rejets en termes de quantité disponible, mais aussi de qualité disponible. Un exemple simple de quantité est le débit (d’eau ou d’air) et de qualité est la température. Un rejet d’eau à 30 °C ne pourra satisfaire que des besoins de chauffage de l’air et non de l’eau chaude domestique (nécessitant 60 °C). Il faudra dans le dernier cas prévoir une énergie additionnelle permettant de remonter le niveau de température de l’eau afin de répondre aux besoins nécessaires. Aussi, un débit et une température donnent une indication de la quantité de chaleur disponible. Si cette quantité de chaleur est inférieure à la quantité de chaleur requise, il faudra aussi considérer d’utiliser un autre type d’énergie (qui pourrait être fossile) afin de combler les besoins requis.

Identification des besoins

Au même titre que pour les rejets, il faut être en mesure de lister les besoins du parc éco-industriel en termes d’énergie. Il est bien important de différencier le besoin et le moyen pour combler ce besoin. Par exemple : pour des locaux chauffés à l’électricité, le besoin est de chauffer les locaux, l’électricité n’est que le moyen d’y arriver. Ceci permet de bien caractériser les besoins et d’éviter d’utiliser une source d’énergie parfois mal adaptée.

L’identification des besoins consiste tout d’abord en une première caractérisation générale suivie d’une caractérisation plus précise.

  • Caractérisation générale

La caractérisation générale est très simple puisqu’elle consiste à lister les bâtiments du parc éco-industriel en précisant leur vocation puis à recenser leur facturation d’énergie. Il est important ici de mentionner que l’unité couramment utilisée pour l’énergie est le Gigajoule (GJ); il convient donc autant que possible de convertir les kilowattheures électriques, les m3 de gaz naturel, les litres de propane ou d’huile en GJ (les facteurs de conversion se trouvent dans ce tableau du Bureau de l’efficacité et de l’innovation énergétiques ou BEIE). Cette conversion va permettre de faire abstraction de la source d’énergie actuellement utilisée et donc de se concentrer sur le besoin spécifique.

  • Caractérisation spécifique

La caractérisation spécifique peut nécessiter dans certains cas une expertise plus pointue puisqu’elle consiste à lister les différents postes de consommation (en spécifiant la quantité d’énergie utilisée, la source d’énergie actuellement utilisée, la source d’énergie disponible) mais aussi à se demander si la source actuellement utilisée est la meilleure. Les besoins vont, naturellement, varier selon le type d’entreprise et de bâtiment. Normalement, l’énergie d’une entreprise industrielle est consommée pour les besoins suivants :

–          Éclairage des locaux (quantité d’énergie, énergie utilisée)
–          Chauffage des locaux
–          Climatisation des locaux
–          Pompage
–          Aération des étangs

Afin de pouvoir analyser des systèmes globaux de fourniture d’énergie et d’établir la meilleure adéquation entre le besoin et la disponibilité, il faut donc se poser les questions suivantes :

–          Quel besoin énergétique doit être satisfait?
–          Quelle est la source d’énergie utilisée pour satisfaire ce besoin?
–          Y a-t-il plusieurs « transports » d’énergie de la source vers le besoin?

Les mauvaises adéquations apportent leurs conséquences environnementales et techniques.

La source d’énergie, le transporteur et les besoins énergétiques doivent toujours être considérés ensemble pour faire les bons choix technologiques dans une optique de « bonne ressource pour le bon besoin ».

Validité du projet

Après cette analyse des sources d’énergie disponibles, des besoins requis et de leur adéquation, il est possible de se faire une idée sur la faisabilité d’un tel projet en termes de rentabilité.

Ensuite, si le projet semble viable, il convient de penser à sa pérennité et de se poser les questions suivantes :

  • Quelle est la disponibilité de la ressource à long terme?
  • Quel est le contrat d’approvisionnement à long terme (de la biomasse forestière, par exemple)?
  • Quelle est la demande par besoin à plus ou moins long terme (il faut tenir compte des expansions de quartiers)?

Ceci permettra de prévoir l’avenir afin qu’un tel projet puisse satisfaire tous les acteurs économiques, qu’ils soient des producteurs ou des consommateurs d’énergie.

Le Bureau de l’efficacité et de l’innovation énergétiques (BEIE) propose des programmes d’aide financière pour la valorisation des rejets thermiques dans l’industrie (pour des besoins de l’industrie ou des consommateurs à proximité).

Ressources à la disposition des municipalités

  • Le logiciel MATTEUS+, un outil d’aide à la décision pour les gestionnaires de matières résiduelles offert par le Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE).
  • Programmes d’aide financière pour la valorisation des rejets thermiques dans l’industrie du BEIE
  • L’outil Biomasse forestière et climat: communautés en action de Nature Québec qui vise la substitution d’un système de chauffage au mazout par un système à la biomasse forestière
  • Programme Prime-Vert du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) influence et appuie l’essor de l’industrie bioalimentaire québécoise dans une perspective de développement durable :
  • Programme de traitement des matières organiques par biométhanisation et compostage (PTMOBC) du MDDEP (municipalités et industries) :
  • Évaluation économique de la filière de la biomasse forestière destinée aux projets de chaufferies, une étude produite par Éco Ressources Consultants pour la Fédération québécoise des coopératives forestières (FQCF).
  • Projet d’agrandissement du réseau de chaleur de la ville de Troyes, en France, incluant un volet de substitution de l’énergie fossile par de l’énergie produite à partir de biomasse et biométhanisation.

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Les experts derrière ce chapitre

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  • Mariane Guilbault-Maltais
    RECYC-QUÉBEC
  • Éric Le Couédic
    AQME
  • Guillaume Porcher
    Green e-motion

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