Planifier l’implantation d’un système d’énergie communautaire

Avant d’entreprendre un projet de ce type, il faut pouvoir répondre aux interrogations suivantes :

  • Quels sont les besoins réels en énergie des installations à desservir au lancement de l’étude?
  • Les besoins en question sont-ils amenés à évoluer de manière considérable à l’intérieur du périmètre d’étude à court, moyen et long termes (du fait des différentes évolutions prévisibles tels que des réhabilitations, des extensions, des projets neufs, de la démolition, etc.) ?
  • Qui en sera le maître d’ouvrage et quel sera le mode de gestion privilégié : délégation de service public, concession, affermage, partenariat public-privé, gestion privée, etc. ?

Les SEC pourront être une opportunité intéressante à étudier lorsque les besoins en énergie demeurent élevés et que des complémentarités potentielles en chaleur ou froid existent au sein d’un nouveau quartier.

Globalement, les étapes d’implantation d’un SEC se décrivent comme suit :

 

Conception : La conception d’un SEC dépend de trois principaux éléments d’information qui devraient être déterminés pour chaque bâtiment consommateur :

  • la pointe de la demande – pour définir les exigences de connexion du client;
  • la consommation annuelle d’énergie – afin de déterminer le budget global du projet;
  • le profil de consommation d’énergie quotidienne – afin de déterminer le format d’exploitation de l’usine d’approvisionnement en énergie.

Une fois ces informations recueillies, on peut alors évaluer le coût global du projet (investissement et fonctionnement) et sa pertinence économique par rapport aux autres options envisageables. À noter qu’une bonne analyse comparative conduit généralement à définir plusieurs hypothèses relatives aux évolutions du coût de l’énergie dans le temps. Le cas échéant, le montant des éventuelles pénalités relatives aux émissions de CO2 ou autres polluants indésirables seront également pris en compte dans les simulations.

Figure 2 : Agrégation des profils de consommation d’énergie (Church, 2012)

Tel qu’indiqué précédemment, les bâtiments individuels ont des profils de consommation différents et en les additionnant, cela crée la courbe de charge du système et aide à définir les caractéristiques opérationnelles du plan de chauffage ou climatisation proposé. Pour chaque client, des questions doivent être posées : l’énergie est-elle utilisée entièrement pour chauffer/climatiser l’espace? Quelle forme prend le chauffage ou la climatisation de l’espace  (plusieurs bureaux de l’Ontario ont des systèmes de traitement de l’air alimentés au gaz et complétés par du chauffage à résistance électrique au périmètre du bâtiment)? Y a-t-il des procédés dans le bâtiment, de l’eau chaude domestique, ou d’autres utilisations irrégulières – si oui, combien et à quelle fréquence?

Connexions du bâtiment : Le système de chauffage ou climatisation existant du bâtiment est aussi important. Le raccord au système peut être direct (le système du bâtiment est en harmonie avec le réseau de distribution) ou indirect (le système du bâtiment peut être isolé par une station de transfert d’énergie). Dans les deux cas, les coûts sont normalement aux frais des propriétaires du bâtiment. Des systèmes incompatibles peuvent nécessiter une conversion et peuvent être une barrière à l’implantation. Les systèmes de chauffage et climatisation hydroniques (à eau) ou à air pulsé peuvent être facilement adaptés pour accepter l’implantation d’un SEC, par contre les bâtiments chauffés à l’électricité peuvent se révéler trop coûteux à connecter. L’ironie du sort, ces bâtiments pourraient bénéficier le plus des SEC là où l’électricité est générée par une énergie fossile.

Station de transfert d’énergie – La conception d’une station de transfert d’énergie est essentielle à l’opération économique du SEC. Pour minimiser les coûts de pompage, la conception pour le changement de température de part et d’autre de l’échangeur de chaleur (baisse de température entre l’approvisionnement et le retour) devrait être la plus large possible, préférablement jusqu’à 30oC. Puisque ceci influence l’opération du système de distribution de chauffage du bâtiment, des surfaces additionnelles de transfert de chaleur, des radiateurs, des serpentins et d’autres éléments similaires seront sûrement requis. Un compteur pour calculer la consommation d’énergie peut être incorporé du côté du fournisseur afin d’évaluer l’énergie consommée et la facturer.

Tuyauterie – La température d’approvisionnement pour le bâtiment du client est généralement réglée à 90oC. Elle est parfois réduite à 80oC durant les mois d’été lorsque la demande est faible, et augmentée à 110oC durant l’hiver lorsque la demande est élevée. De plus en plus, la tendance est vers une température d’approvisionnement plus basse (< 70oC), ce qui est le cas des projets réalisés à Regent Park (Toronto) et Okotoks (Alberta). Par exemple, le projet de système à l’énergie solaire réalisé à Okotoks a utilisé une température de 45oC. Il y a également des systèmes ambiants qui distribuent de l’eau à une température d’environ 10oC à des pompes à chaleur situées dans chaque bâtiment. Plus la température d’approvisionnement est réduite, plus il faut s’efforcer d’améliorer le système de distribution du bâtiment. Puis, il faut savoir que de diminuer la température sous 55oC rend la distribution d’eau chaude domestique plus difficile. Par exemple, l’eau chaude domestique du projet d’Okotoks est fournie par un système séparé. Les réseaux à basse température sont particulièrement bien adaptés aux nouvelles constructions bénéficiant d’une excellente isolation (chauffage à basse température).

Puisqu’un système pressurisé est requis par la Loi sur les chaudières et appareils sous pression, le coût d’une main-d’œuvre qualifiée ne doit pas être sous-estimé puisqu’il peut avoir un impact important sur le budget de plus petits projets.

La tuyauterie est souvent le coût le plus important du système, possiblement 50 % du coût total. Elle est offerte en acier ou en plastique par des fournisseurs européens ou nord-américains, puis est sélectionnée sur la base du diamètre, et de la température et pression d’opération. La tuyauterie en plastique a une limite supérieure de température de 90oC, la rendant idéale pour les pompes à chaleur ou les applications solaires. Par contre, la tuyauterie en acier est généralement dominante lorsque le diamètre dépasse 50 mm (2’’).

La figure 3 montre des tubes pré-isolés utilisés pour le transport de la chaleur. Construits en matériaux synthétiques, ils sont posés à même le sol, au fond d’une tranchée, puis recouverts de terre végétale. Souples, ils acceptent les petites déformations du terrain et sont mieux adaptés que les anciens tubes en acier que l’on trouve encore dans les anciens SEC.

Des normes strictes de contrôle de qualité sont imposées sur la tuyauterie d’un SEC et par conséquent la perte d’énergie par les tuyaux est généralement d’environ 5 à 8 % même après plusieurs kilomètres parcourus. La stratégie de négliger la qualité de la tuyauterie s’est révélée coûteuse, et les fabricants de tuyaux devraient toujours être consultés pour la conception.

Figure 3 : Conduites de chauffage pré-isolées (Source : Photo Flexalen a minima)

Usine d’énergie : la conception de l’usine d’énergie est définie par le profil d’énergie et la forme de la courbe de durée de la charge. Cette courbe cumulative décrit le temps pendant lequel une charge de demande minimale est requise. Elle indique également qu’un équipement dimensionné en fonction de la demande de pointe fonctionnera à charge partielle pour une grande partie de sa durée de vie, ce qui conduit à de l’inefficacité et une faible rentabilité. C’est ce qui explique la division de la charge en charge de base et de pointe.

Figure 4 : Courbe de durée de la charge/Courbe de charge d’un réseau de chaleur (Church, 2012)

La charge de base (environ 35 % de la demande totale, mais 85 % de l’énergie totale) est fournie par une technologie à capital élevé et bas coût d’exploitation (biomasse, chaleur et électricité combinée, pompe géothermique à chaleur, solaire thermique, etc.).

La charge de pointe (65 % de la demande totale, mais 15 % de l’énergie totale) est fournie par une technologie à faible capital, mais dont les coûts d’exploitation sont plus élevés (les chaudières à gaz ou à l’huile).

L’approvisionnement d’appoint et la redondance, équivalant à la plus grande charge du système, veillent à ce que la disponibilité et la fiabilité soient aussi élevées que pour les services publics d’énergie.

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