Le suivi énergétique : mesure et vérification du rendement

Le mesurage et la vérification (M&V) permettent de connaître les performances originales d’un bâtiment, de comparer dans le temps l’évolution de la consommation (énergétique et d’eau) et de confirmer les résultats d’un processus d’amélioration continue ou d’un projet d’efficacité énergétique implanté.

Contrairement à certaines croyances, le M&V n’est pas coûteux et n’est pas nécessairement utilisé dans le cadre de projets d’envergure. De plus le M&V peut à lui seul entraîner des économies d’énergie. C’est ce que nous essayerons de démontrer ici.

C’est un point de départ, car le M&V devrait être préalable à tous processus d’amélioration des performances énergétiques. Avant l’implantation d’un projet d’amélioration, le M&V permet de connaître et maîtriser la consommation d’un bâtiment. Ainsi, sans même implanter de projet d’efficacité il devient possible de limiter la surconsommation et de sensibiliser les usagers. Aussi, le M&V devrait être implanté au moins un an avant tout projet en efficacité énergétique afin de permettre l’établissement d’une bonne base de comparaison des consommations. Par la suite, avec un M&V implanté dans un bâtiment, il est beaucoup plus facile de bien identifier les mesures d’efficacité énergétique à implanter et aussi de vérifier rapidement si de simples modifications à l’opération peuvent permettre de réduire la consommation énergétique.

Tout processus de mesurage et vérification consiste en une méthode de mesurage établie et structurée qui sera entreprise préalablement à l’implantation de modifications en vue d’améliorer la performance de l’une ou l’autre des facettes de la consommation d’un bâtiment. Ce processus doit être entrepris avant tous changements qui seront faits dans le bâtiment afin de permettre d’établir une année de référence qui pourra être utilisée pour quantifier le résultat des améliorations à la consommation.

Sans mesurage, l’efficacité énergétique ne reste que théorique et les investissements risquent fort de ne pas donner les résultats promis alors que le mesurage permet d’appuyer en confirmant ou infirmant incontestablement les calculs prévisionnels sur lesquels les administrateurs pourront se fier. Trop de projets d’amélioration de l’efficacité ne prévoient pas ou prévoient de mauvais processus de M&V, ce qui entraîne souvent la perte d’une grande partie des réductions de consommation promise par le projet.

Le processus de M&V peut être fait selon les recommandations de l’IPMVP (Protocole International de Mesure et Vérification de la Performance Énergétique). C’est la meilleure façon de s’assurer qu’une rigueur suffisante à l’ampleur du projet sera utilisée. Par contre, ce n’est pas la seule façon de procéder et d’obtenir des résultats fiables. Par exemple, il serait possible de faire du M&V sans tenir compte des recommandations de l’IPMVP et d’obtenir des résultats satisfaisants. L’avantage de travailler en fonction des recommandations du IPMVP provient du fait qu’une continuité dans le processus et une standardisation de toutes les étapes seront assurées, peu importe le Professionnel certifié en mesurage et vérification (CMVP) qui travaillera au M&V. Aussi, les organismes qui attribuent les subventions exigent généralement le respect de ce protocole en ayant recours à un professionnel certifié CMVP.

L’obtention de cette certification par le responsable de la gestion de l’énergie dans votre organisation permettra à cette personne d’implanter elle-même des processus de M&V dans les différents bâtiments sous sa gestion. Si le choix d’embaucher un professionnel CMVP externe est priorisé, la certification d’une personne interne permettrait de bien comprendre les enjeux du M&V et de valider le travail fait par le consultant qui serait responsable de démontrer les économies réalisées suite à l’implantation d’un projet. Aussi, la présence d’un CMVP dans l’organisation permettra l’implantation d’un processus de suivi standardisé de la consommation énergétique des bâtiments. Il sera ainsi possible de cibler efficacement les bâtiments qui pourraient bénéficier d’interventions en efficacité énergétique.

Selon les besoins et cibles, un processus de M&V peut inclure ou non le mesurage de la consommation électrique, de combustible, d’eau, voire l’impact en gaz à effet de serre (GES) selon la base et les cibles qui sont à atteindre.

Quels bâtiments devraient être couverts par un plan de M&V ?

Tout gestionnaire de bâtiments devrait considérer l’implantation d’un plan de M&V dans son ou ses bâtiments. Il sera en effet bénéfique pour tout bâtiment, indépendamment de sa superficie, de posséder un tel plan. Force est de constater que peu importe si un projet d’amélioration de la consommation énergétique est en vue ou non, un plan de M&V permettra de repérer des surconsommations impromptues et d’éviter qu’elles se reproduisent. Des opportunités d’amélioration de l’opération du bâtiment pourront aussi être ciblées par l’analyse des résultats du M&V.

L’implantation d’un plan de M&V dans un bâtiment, avant même l’implantation d’un projet d’amélioration de la consommation énergétique, permettra au gestionnaire d’être au fait et en contrôle des consommations et ainsi des économies possibles ou réalisées par un projet en efficacité énergétique. Il sera aussi possible de bien prioriser les bâtiments où les économies seront nécessaires ou réalisables en fonction des consommations réelles.

Qu’en est-il du M&V pour les constructions neuves ?

Un bâtiment qui n’existe pas encore peut aussi bénéficier d’un plan de M&V. Entre autres, il sera nécessaire de produire un plan de mesurage et vérification pour l’obtention du point M&V dans le cadre d’une construction LEED. Le travail de M&V fait selon le protocole de l’IPMVP devra se faire selon l’option « D ». Cette option exige l’utilisation d’une simulation et la calibration de cette dernière.

Comme la complexité du plan sera plus grande vu le besoin de préparer une simulation et de la calibrer, le M&V s’adresse aux bâtiments où le besoin de surveillance de la consommation est très important. Il sera primordial de bien calibrer la simulation de consommation avec quelques mois (souvent 12 mois) de consommation réelle suite à la construction du bâtiment. L’implication de l’ingénieur de conception rendra plus simple cette étape du M&V.

L’utilisation de l’option « D » de l’IPMVP et de toute simulation énergétique du bâtiment de concert avec du mesurage bien planifié permettra d’isoler, au besoin, les mesures d’efficacité énergétique implantées.

L’implantation d’un plan de M&V dans un bâtiment neuf permettra au gestionnaire du bâtiment de s’assurer des performances énergétiques de son bâtiment dès la première année d’opération. De plus il fournira des éléments d’informations qui permettront de valider l’opération et l’installation toujours sous garantie des équipements énergivores dans le bâtiment.

Concrètement, en quoi consiste un M&V ?

Le M&V consiste au mesurage et à la vérification de la consommation énergétique périodiquement (annuellement, mensuellement, de façon journalière ou instantanément) que ce soit pour un bâtiment entier ou un procédé en particulier. Le plan de M&V permet d’établir :

  • Quels sont les outils qui seront utilisés pour compiler les données de consommation
  • À quelle fréquence le suivi de la consommation sera fait
  • Les indicateurs de performance à surveiller (s’il y a lieu)
  • Le format des rapports de consommation et les ajustements nécessaires (par exemple : en fonction des degrés-jours, de l’occupation ou de la production)

La grande majorité des gestionnaires d’immeubles ont déjà un type simplifié de processus de M&V si le bâtiment consomme de l’énergie qui est facturée et budgétée chaque année. Le plus souvent axé seulement vers la planification des budgets en énergie, ce type de M&V omet souvent le suivi des consommations d’énergie, et permet plutôt le suivi des dépenses monétaires.

En structurant adéquatement le traitement de la facturation énergétique pour un bâtiment, il devient assez facile de faire un M&V simple qui permettra dans bien des cas, l’atteinte des objectifs de vérification et de suivi de la consommation.

Par contre, dans certains cas il est nécessaire de cibler où l’énergie est consommée de façon précise. Dans cette situation, du sous-mesurage ou mesurage ciblé est nécessaire. Des compteurs d’énergie devront être installés de façon permanente ou temporaire pour isoler la consommation selon l’option de M&V qui aura été choisie et le type de consommation qui est à vérifier.

Ces types de mesurage présentés ci-haut et que peut effectuer un responsable en gestion de l’énergie sont justement réunis dans le protocole IPMVP selon la spécificité du mesurage de la consommation d’énergie à effectuer :

Protocole IPMVP

Option A

Option B

Option C

Option D

Mesure de paramètres clés, calcul précis des paramètres non mesurables et évaluation de l’erreur.

Mesure de tous les paramètres de la consommation d’énergie des systèmes ciblés.

Mesure de la consommation pour le site en entier (usuellement par le suivi de la facturation).

Simulation selon des programmes de modélisation de la performance énergétique.

Peu importe la méthode de mesurage : selon les factures d’énergie ou en fonction de mesurage installé localement, un plan de M&V devra aussi tenir compte des facteurs influençant la consommation d’énergie. Le facteur le plus commun et qui aura influence sur la majorité des bâtiments est sans doute la température extérieure qui fera varier la consommation d’énergie de chauffage et de climatisation. Certaines méthodes doivent être utilisées pour ajuster le calcul des économies (établissement d’une année de référence, ajustement selon les degrés-jours, selon la méthode BIN, etc.) Dans d’autres cas, la production ou l’utilisation de certains équipements pourrait faire varier la consommation. Par exemple : le traitement des eaux ou l’opération d’un aréna. Dans tous les cas, ces facteurs devront être établis et leur influence devra avoir été démontrée par calcul et une corrélation devra avoir été faite avec la consommation réelle.

Qui peut vous aider dans le processus?

Le processus de M&V peut se faire à l’interne par un responsable de la gestion de l’énergie selon un protocole déterminé ou non en suivant toutefois une rigueur dans les interventions de M&V. Sachez que l’AQME peut vous aiguiller quant aux possibilités d’accompagnement et à la formation dans le domaine, et qu’une firme spécialisée peut être de bon conseil quant à vos interrogations.

Cependant, si une ressource est mandatée à l’externe, il est responsable de s’assurer que l’intervenant respecte le protocole IPMVP non seulement parce qu’il s’agit d’un gage d’expérience et de rigueur en M&V, mais surtout parce qu’il permet le transfert entre professionnels et intervenants du plan de M&V selon un même protocole standardisé. De plus, les organismes qui attribuent les subventions exigent généralement le respect de ce protocole par la certification d’un professionnel CMVP ou en ayant recours à un professionnel certifié CMVP.

Qu’en est-il des coûts de M&V ?

L’ampleur des besoins de M&V viendra faire varier grandement les frais associés à l’implantation du processus de M&V. Ces frais seront, par contre, toujours en proportion avec les résultats recherchés. L’implantation d’un simple processus de suivi de la consommation énergétique globale pour un bâtiment sera assez simple et pourra être implanté rapidement et à peu de frais, encore plus si vous avez à l’interne des ressources qui pourront participer activement au processus (par exemple, pour le relevé et la saisie de consommation d’un bâtiment). Ceci permettra de limiter l’accompagnement externe aux tâches ponctuelles de préparation du modèle de M&V et à l’analyse annuelle limitant ainsi les frais. Dans d’autres cas, la complexité des activités de M&V demandera une plus grande attention de la part d’une personne d’expérience. Le plus souvent, ce niveau de connaissance sera requis dans le cadre de projets d’envergure et les frais seront d’autant plus justifiés par l’envergure des consommations et des économies en jeu.

Les frais maximums pour le M&V ne devraient jamais être supérieurs à 50 % des économies qu’ils permettent de surveiller, mais devraient généralement se situer autour de 10 % à 25 % pour des projets d’envergure. Bien sûr, pour des projets d’envergure moindre, les pourcentages pourraient être plus élevés pour couvrir la base de travail qui devra toujours être faite, peu importe le projet. C’est dans ces cas de projets plus petits que l’implication de ressources internes permettant de réduire les besoins de consultation pourra être très intéressante, formatrice, en plus de permettre des économies.

Il faut noter que certaines subventions ciblent justement les plans de M&V, par exemple Gaz Métro octroie jusqu’à 17 395 $ pour couvrir spécifiquement les coûts que requièrent le mesurage. De plus, pour être admissible à des subventions pour un projet en efficacité énergétique, les organisations telles qu’Hydro-Québec et le Bureau de l’efficacité et de l’innovation énergétiques (BEIE) exigent systématiquement un projet de pré-implantation de mesurage, et ce généralement pour l’année précédent l’implantation du projet. Ceci afin d’avoir un diagnostic crédible et précis sur l’économie de la consommation énergétique de ce dernier.

Le mesurage est nécessaire dans la réalisation d’un projet en efficacité énergétique, pourquoi ne pas être proactif et déjà mettre en place un plan M&V, plutôt que d’être réactif et devoir retarder l’implantation d’un projet ? De plus l’implantation d’un suivi énergétique systématique dans un bâtiment permettra de contrôler les dépenses sans l’implantation d’un projet en efficacité énergétique comme tel.

Par où commencer pour établir un plan de M&V?

Établissez quels bâtiments pourraient le plus tirer profit d’un processus de M&V puis d’un projet en efficacité énergétique ou en remise en service (RCx). Pour ce faire, plusieurs facteurs devraient être pris en compte : coûts d’opération, âge du bâtiment, âge des équipements mécaniques, réaménagement effectué aux locaux, etc. Ces facteurs se reflètent au final dans la consommation unitaire du bâtiment (GJ/m2). Toutefois, il faut faire attention dans l’utilisation de l’intensité énergétique d’un bâtiment car l’usage du bâtiment influencera aussi, et parfois davantage, cette consommation unitaire.

Une fois la priorité de bâtiment établie, procédez au montage du plan en recueillant les données sur les consommations passées et en analysant les consommations facturées, puis déterminez le besoin de sous mesurage. Dans certains cas, un tel plan peut être simple à réaliser. Au besoin, établir les ajustements nécessaires.

Vous avez maintenant un plan de M&V. Vous pouvez donc songer à l’implantation d’un projet en efficacité énergétique ou d’un RCx en fonction des résultats de la première période de suivi sous votre plan de M&V.

Ressources pratiques à la disposition des municipalités

L’Association Québécoise pour la maîtrise de l’énergie (AQME) offre la formation pour l’obtention du titre de CMVP.

Quelques firmes en efficacité énergétique offrent un service en M&V. Les municipalités peuvent avoir recours à ces firmes pour leur venir en aide lors de l’implantation de tout type de plan de M&V.

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Les experts derrière ce chapitre

Comité d’experts

Architecte, MOAQ, professionnelle accréditée LEED BD+C Vouli Mamfredis
Vouli Mamfredis
Studio MMA
Expert-conseil, B. Ing., M.Sc Francis Pronovost
Francis Pronovost
Écobâtiment
Ingénieur énergéticien Guillaume Porcher
Guillaume Porcher
Green e-motion

Mandat spécifique

  • Gilles Auger
    AQAIRS
  • David Bérubé
    Quantum Énergie
  • Jean-François Baril
    AQME
  • Paul Dupas
    Écobâtiment
  • Frédéric Genest
    PAGEAU MOREL
  • Jean-Philippe Jacques
    AQME
  • Paul-Alexandre Langlais
    Ambioner
  • Léa Méthé-Myrand
    Écobâtiment
  • Marie-Josée Roy
    AQAIRS
  • Marie-Ève Sirois
    Écobâtiment
  • Denis Tanguay
    CCÉG
  • Sonia Veilleux
    Ambioner
  • Nicolas Lacroix
    Ecosystem

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