Les municipalités face à la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles

Toute municipalité est tenue de respecter les lois et règlements. Son obligation d’agir en gestion des matières résiduelles relève de la Loi sur les compétences municipales, L.R.Q., Chapitre 47.1. Son lien avec la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles (PQGMR) se fait de deux façons. D’abord la Loi sur la qualité de l’environnement, L.R.Q., chapitre Q-2 demande aux municipalités régionales de produire et de soumettre au ministre le Plan de gestion des matières résiduelles (PGMR) de son territoire à des fins d’analyse de conformité avec la LQE et la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles. La LQE précise que les objectifs régionaux du PGMR doivent être compatibles aux objectifs nationaux de la Politique québécoise en vigueur. Lorsque le projet de PGMR est adopté par la municipalité régionale, soumis au ministre et déclaré conforme à la LQE et à la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles, il doit alors être mis en œuvre par la région concernée. La LQE oblige à ce que la réglementation municipale soit ajustée en conséquence et, bien que le PGMR n’ait pas d’impact direct sur les contrats municipaux, les municipalités locales sont liées par celui-ci et sont tenues de prendre les mesures nécessaires à sa mise en œuvre.

En plus de la dimension légale qui lie une municipalité à la Politique, la dimension éthique s’applique à bon nombre de municipalités. Toute structure municipale qui possède pour elle-même une politique environnementale ou qui est inscrite à un système de gestion de l’environnement (SGE) du type ISO 14000 s’est engagée à respecter les lois, règlements et politiques gouvernementales en la matière.

Les PGMR de première génération correspondant aux objectifs de la Politique 1998-2008 devront être révisés dans les prochaines années. Le MDDEFP en est à émettre les directives d’élaboration de la deuxième génération des PGMR régionaux pour être conforme aux objectifs de la nouvelle Politique. Cette nouvelle Politique indique que dorénavant les objectifs municipaux devront tendre à responsabiliser les secteurs ICI et CRD pour les matières qu’ils génèrent afin de mesurer la réponse aux objectifs territoriaux. À cet effet, il importe de noter qu’actuellement, la plupart des MRC et les agglomérations gèrent seulement les matières résiduelles en provenance du secteur résidentiel (sauf exception) et que les performances pour les redevances ou la compensation pour la collecte sélective sont calculées sur ces matières. Les lignes directrices du gouvernement concernant les prochaines générations de PGMR incitent à la prise en compte des matières générées par les secteurs ICI et CRD lors de la planification, favorisant leur responsabilisation sans nécessairement que les municipalités prennent en charge la gestion des matières.

D’ici là, comment les municipalités peuvent-elles préparer les PGMR à venir et envisager les choix qui devront être faits? La liste des étapes déjà énoncées devrait permettre de l’explorer dans les quatre aspects suivants :

1)  Papier et carton (fibres), plastique, verre et métal (PVM)

 

Pour cheminer vers la fin de l’élimination des papiers et cartons en 2013, recycler 70 % du papier, carton, plastique, verre, métal en 2015 et contribuer à diminuer à 700 kg/personne les matières de la région qui rejoignent l’élimination.

 

Dans le secteur municipal, les papiers et cartons forment 80 % des matières récupérées par la collecte sélective. Une sensibilisation complémentaire est nécessaire pour convaincre le citoyen d’éviter de mettre tout papier et carton, ainsi que tout contenant de plastique, verre ou métal dans la poubelle des déchets mélangés.

Le secteur ICI doit faire sa part. Une campagne d’information doit permettre d’implanter la récupération là où elle n’est pas pratiquée.

 

Les choix municipaux qui permettront d’avoir un impact véritable sont les suivants :

  • déclaration de compétence sur les matières résiduelles du secteur ICI;
  • règlementation municipale pour interdire d’éliminer les matières recyclables;
  • participation possible des ICI à la collecte sélective municipale des fibres et des emballages, là où les trajets le permettent;
  • amélioration requise à la performance aux centres de tri où ces matières sont acheminées;
  • identification des programmes incitatifs applicables auxquels participer.

Les municipalités peuvent collaborer et établir des partenariats avec des organismes locaux, ce qui aurait pour effet d’entraîner une plus grande adhésion au projet et de limiter ses coûts.

 

2)  Bois et résidus de construction, rénovation, démolition (CRD)

Pour cheminer vers la fin de l’élimination du bois en 2014 et acheminer vers un centre de tri 70 % des résidus de construction, rénovation, démolition en 2015.

 

Dans le secteur municipal, le bois de déconstruction, rénovation et démolition est apporté par les citoyens dans les écocentres et les déchèteries. Il faut sensibiliser et convaincre le citoyen d’éviter de mettre le bois parmi les déchets ultimes, donc aménager des services d’écocentre et améliorer ceux déjà existants dans les municipalités. Au besoin, permettre l’accès aux écocentres et aux déchèteries à certains petits entrepreneurs là où ce n’est pas encore disponible.

Par contre, les générateurs CRD de grandes quantités de matières résiduelles doivent accéder à des établissements plus spécialisés. Cela peut prendre la forme d’un écocentre de plus grande taille offrant un service payant de tri de ces matériaux, mais cela peut aussi comprendre un service de mutualisation qui ramasse les résidus de bois aux PME où ils sont produits.

Les choix municipaux qui permettront d’avoir un impact véritable sont les suivants :

  • déclaration de compétence sur les matières résiduelles du secteur ICI et CRD;
  • réglementation municipale pour interdire d’éliminer les résidus CRD;
  • implantation d’un réseau d’écocentres ou de déchèteries à la disposition des citoyens;
  • implantation de centre de tri des matériaux de déconstruction et de démolition dans chacune des régions;
  • faciliter le transport de ce type de matériaux vers les écocentres et déchetteries par les citoyens;
  • identification des programmes incitatifs applicables auxquels participer;
  • permis de construction et démolition avec informations sur l’objectif, les ressources disponibles sur le territoire et exigeant la preuve de disposition des matières résiduelles, de même que les quantités générées.

3)  Béton, brique, asphalte

Pour recycler 80 % des résidus de béton, brique, asphalte en 2015.

Tous les gravats de démolition ainsi que les débris de rénovation des trottoirs et du système routier doivent, lorsque possible, être détournés de l’enfouissement afin d’être employés de façon utile. Par exemple, ils peuvent être utilisés comme remblais ou base d’infrastructures, selon les Lignes directrices relatives à la gestion de béton, de brique et d’asphalte issus des travaux de construction et de démolition et des résidus du secteur de la pierre de taille.

 

Les choix municipaux qui permettront d’avoir un impact véritable sont les suivants :

  • déclaration de compétence sur les matières résiduelles du secteur CRD;
  • règlementation municipale pour interdire d’éliminer le béton, la brique et l’asphalte;
  • identification des LEDCD de proximité qui permettent d’atteindre les objectifs;
  • identification des programmes incitatifs applicables auxquels participer;
  • intégrer les exigences de valorisation de ces matières dans les appels d’offres publics (ex. : réfection des routes, démolitions des bâtiments municipaux).

 

4)  Matières organiques

Pour recycler 60 % des matières organiques au moyen de procédés biologiques en 2015 et cheminer vers la fin de l’élimination des matières organiques en 2020.

Les matières organiques putrescibles produites sur un territoire municipal comprennent les biosolides produits aux usines d’épuration, les boues des fosses septiques, les résidus alimentaires des ordures et les résidus verts provenant de l’entretien extérieur et du paysagement. Cependant certains établissements ICI sont aussi de grands générateurs de matières organiques putrescibles, principalement les papetières (boues de papetières), mais également les restaurants et cafétérias, ainsi que les usines d’équarrissage et les conserveries, entre autres.

Dans le secteur résidentiel, les municipalités qui tardent à le faire doivent rapidement choisir le type de collecte des matières organiques putrescibles qu’elles vont mettre en place, sans doute en lien avec le mode de traitement qu’elles choisissent.

Deux types de collectes des matières organiques putrescibles sont possibles. Celle qui permet la collecte de meilleure qualité est la collecte dite de troisième voie. En effet, lorsque plus d’efforts de tri sont faits en amont, la qualité des matières récupérées est meilleure et il y a moins de risque d’y retrouver des matières dangereuses. La collecte des matières organiques putrescibles peut également se faire sans mettre en place la collecte d’une troisième voie, mais les matières organiques putrescibles demeurent alors mélangées avec les déchets ultimes et un mode mécanique de séparation industrielle doit être prévu. La qualité des matières organiques putrescibles récoltées (leur pureté) s’en ressent et la chaine subséquente des traitements impliquera des moyens d’autant plus importants que la contamination est importante. Le recyclage par retour à la terre est alors plus incertain car il devient plus difficile de respecter les normes et critères relatifs aux matières résiduelles fertilisantes (MRF).

Les matières organiques putrescibles suffisamment propres, c’est-à-dire exemptes de contaminants, permettent de réaliser plus facilement la biométhanisation et de recycler à la terre le digestat qui va subsister après le départ gazeux. De même, lorsque les corps étrangers sont très bas, le compostage donne un produit de meilleure qualité pour le recyclage par retour à la terre (épandage).

Pour la collecte de troisième voie, l’implantation d’un nouveau bac et la réorganisation des collectes des autres matières sont requises. Plus de 40 % des matières résiduelles municipales sont organiques putrescibles et responsables des mauvaises odeurs qui se développent par temps chaud. Ainsi, l’ajout d’une collecte des matières organiques putrescibles s’accompagne facilement d’une réduction importante de la collecte des déchets ultimes et peut se faire sans augmenter le nombre total des collectes municipales, en effectuant des changements au niveau des fréquences des collectes de matières recyclables et des déchets ultimes.

Pour la collecte de matières organiques, la municipalité peut choisir de ramasser les résidus alimentaires seulement ou les résidus alimentaires mélangés aux résidus verts. Dans le premier cas, les résidus alimentaires pourront être traités par biométhanisation. Dans le deuxième cas, le compostage sera l’option de traitement la plus appropriée. Le choix du mode de collecte découle donc du traitement choisi.

Puis, pour ce qui est des feuilles (sans prétraitement) et des biosolides il est également possible d’opter pour l’épandage comme mode de recyclage.

Les choix municipaux qui permettront d’avoir un impact véritable sont les suivants :

  • inventaire des tonnages de biosolides, boues de fosses septiques et matières organiques du territoire;
  • déclaration de compétence sur les matières organiques du secteur ICI;
  • règlementation municipale pour interdire d’éliminer les matières organiques recyclables;
  • choix d’un mode de collecte des matières organiques résidentielles;
  • participation possible des ICI à la collecte des matières organiques résidentielles, là où les trajets le permettent;
  • choix de la fraction ou de l’ensemble des matières organiques qui seront recyclées;
  • choix de la méthode de traitement biologique souhaitée : biométhanisation ou compostage (ou les deux). Puis, pour les feuilles (sans prétraitement) et les biosolides il est également possible d’opter pour l’épandage;
  • identification des programmes incitatifs applicables auxquels participer.

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Les experts derrière ce chapitre

Comité d’experts

Ingénierie de bioprocédés, ing. Ph.D. David Lacasse
David Lacasse
Groupe Berlie-Falco
Professeur-chercheur, chimiste Marc Olivier
Marc Olivier
CTTÉI
Ingénieur en qualité de l'air Simon Piché
Simon Piché
SNC-Lavalin inc.

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